mardi 24 novembre 2015

New Order - Casino de Paris - 4 novembre 2015

 

9



Après avoir brillamment remis les compteurs à zéro et exécuté un remarquable reboot avec l'enthousiasmant Music Complete, la nouvelle mouture de New Order était attendue au tournant, et devait encore convaincre sur scène. D'accord, la tournée de 2012 avait montré de quoi le groupe était capable, mais il restait tout de même à voir si tout cela tiendrait sur la distance. La réponse est mi-figue mi-raisin. New Order nouvelle manière est désormais caréné pour le futur, mais pêche encore dans certains domaines.


14Au niveau de la performance, tout le monde a trouvé ses marques, c'est l'évidence même. Parfaitement rodé, le nouveau line up sait parfaitement transcender les chansons les plus populaires, comme l'ont prouvé les remarquables versions de True Faith (un classique qui s'impose tournée après tournée comme un des grands moments du show) ou de The Perfect Kiss. Mais il sait aussi redonner une nouvelle vigueur à son répertoire, comme l'ont prouvé les nombreux morceaux anciens disséminés durant le concert.

 

 

 

 

4Le moins qu'on puisse dire, c'est que New Order a joué la diversité. Beaucoup d'ancien, donc, en particulier des titres issus du deuxième album, Power, Corruption & Lies, ou du moins de cette époque, car le groupe s'était alors fait une spécialité de sortir des singles hors album. On retrouve donc la majorité des grands classiques indétrônables des débuts : Ceremony, Temptation, Blue Monday… Une playlist plutôt familière, à laquelle viennent s'ajouter des choses plus rares, mais tout de même très emblématiques : Age of Consent, 586, Lonesome Tonight... On a même droit à un excellent Your Silent Face, magnifié par une superbe vidéo projetée en fond de scène.

 

 



 

7Mais alors, me diras-tu cher lecteur, de quoi se plaint-on ? Au milieu de tout cela, le nouvel album se fait une place conséquente, mais qui n'est pas forcément celle qu'on attendait. Après un Singularity joué en intro et un Restless un peu pépère, c'est l'axe dance music que le groupe va exploiter à fond : Plastic, Tutti Fruti, People on The High Line ne déchaînent pas vraiment le public, même s'ils passent plutôt bien sur scène. Vraiment dommage qu'avec un aussi bon album dans sa musette, New Order n'ait pas davantage misé dessus. Pas de Superheated ni d'Academic, donc. Au lieu de cela, une setlist qui, sur la fin, ressemble à du déjà entendu, avec le quart d'heure obligatoire Joy Division. En soi, c'est bien mais ça n'est guère original. Malgré ce contenu familier, on est un peu déçu aussi que le merveilleux Regret soit passé à la trappe au profit d'un Crystal qui commence à s'user.

 

 

 

12Ceci dit, sur le plan de la mise en scène, c'est du haut niveau. Les effets d'éclairage et les projections vidéo sont réglés au millimètre et en très nette évolution par rapport à la tournée précédente. C'est souvent très très spectaculaire et on a enfin l'impression que le groupe bénéficie enfin d'un écrin visuel digne de lui. Auparavant, on avait parfois l'impression de voir un petit groupe indé. New Order version 2015, c'est une grosse machine qui joue dans la cour des grands. Conséquence de cela, nos gars de Manchester deviennent légèrement tributaires de tout cet aspect visuel. Pour preuve, l'ordre des morceaux est pratiquement inchangé sur les premières dates de leur tournée. Il faut espérer qu'avec le temps, ils prendront confiance et se permettront quelques petits écarts et une ou deux prises de risque. 

 



 

5Enfin, signe que New Order prend visiblement plaisir à jouer, le set est enfin d'une durée conséquente : pas moins de 19 morceaux et plus de deux heures de concert. Pour les vieux fans qui, comme moi, se souvenaient encore d’un concert scandaleusement court à la Mutualité en 87, ça fait plaisir. On est décidément loin des prestations bouclées rapidos dont le groupe s'était fait une spécialité et c'est une bonne chose. Après tout, il faut bien ça pour balayer plus de 30 ans de carrière, Cure l’a bien compris en proposant des concerts-fleuves de plus de 3 heures. Si on se doute bien que New Order est encore loin du compte, c’est un réel plaisir que de les voir s’investir davantage sur scène et prendre le temps pour leur public.

 

 



En résumé, un concert enthousiasmant pour ceux qui pouvaient douter de l’avenir du groupe. Il leur reste à présent à diversifier un peu leur playlist, et à oser certains morceaux moins connus, car si on est toujours content de se trémousser sur Blue Monday, New Order, c’est quand même un petit peu plus que ça. Mais en attendant, entre mise en scène superbe et énergie communicative, ils entament avec brio cette nouvelle étape de leur évolution.


17Setlist:

Singularity
Ceremony
Crystal
Age of Consent
586
Restless
Lonesome Tonight
Your Silent Face
Tutti Frutti
People on the High Line
Bizarre Love Triangle
Waiting for the Sirens Call
Plastic
The Perfect Kiss
True Faith
Temptation
Rappel :

Blue Monday
Atmosphere
Love Will Tear Us Apart

vendredi 30 octobre 2015

New Order - Music Complete

Mute Records

new-order-music-completeOn avait quitté New Order au lendemain de sa rupture avec le bassiste Peter Hook, presque sur un clap de fin. Réformés à l'occasion d'une série de concerts caritatifs (voir notre compte-rendu strapontinesque ici), on les imaginait presque en train de bruler leurs dernières cartouches avant la dissolution. Que nenni ! Le groupe a même trouvé cette expérience tellement revigorante qu'il a enchainé direct sur une tournée. Mais tout cela ne garantissait pas forcément la continuation de l'aventure. Juste histoire de remettre les pendules à l'heure, New Order sort donc aujourd'hui ce Music Complete, qui est tout bonnement leur meilleur album depuis ... oula !... depuis au moins 25 ans ! Depuis Technique, en fait. 

On pensait que les grands groupes se relevaient rarement du départ d'un de leurs membres-clé. Les faits ont prouvé le contraire : Pink Floyd et Genesis ont continué d'exister après le départ de Roger Waters et de Peter Gabriel. En moins bien, certes, mais ils ont tenu le coup. Donc New Order sans son bassiste emblématique, on se doutait bien que ça pouvait marcher. Ce qui épate, par contre, c'est que le groupe ait retrouvé un plaisir de jouer qui est franchement communicatif.

Car ce qui frappe aux premières écoutes, c'est le ton résolument dance, électro à fond les gamelles, à des lieues de la cold wave des débuts. Plastic a des faux airs de Giorgio Moroder, avec son beat à la Donna Summer et la voix italienne sur Tutti Frutti a de quoi faire grincer des dents. Et pourtant, tout cela est enlevé avec un enthousiasme tellement contagieux que l'affaire est pliée en deux temps trois mouvements.

 

 

 

CaptureMusic Complete n'oublie pas pour autant les hymnes à la New Order, ces chansons à la coloration gentiment nostalgique qui ne sont pas forcément charpentées comme des hits, mais qui s'imposent comme des classiques du groupe. En tête de liste, l'excellent Academic et le superbe Superheated, sur lequel le chanteur des Killers, Brandon Flowers, vient prêter main forte. Un juste retour des choses, puisque le groupe avait piqué son nom dans la vidéo de Crystal. Et puisqu'on parle de guest stars, on trouve aussi Iggy Pop venu faire une prestation à la Vincent Price sur le curieux Stray Dog.

 

 

Il y a bien un ou deux morceaux plus dispensables, comme Nothing But A Fool ou Unlearn This Hatred, mais dans l'ensemble, ce Music Complete fait carton plein. Il est clair que les expériences solo des membres du groupe, que ce soit à travers Electronic, Bad Lieutenant ou The Other Two, ont enrichi le résultat. Et on en vient à se demander si finalement le départ de Peter Hook ne leur a pas été bénéfique. Avec un album d'un tel calibre, la question ne se pose même plus. Reste à présent à voir le résultat sur scène et la tournée qui va suivre. Le Strapontin y sera.

 

7383777-11370289

samedi 26 juillet 2014

Fischer-Z - Going Deaf for a Living

 

fischerz-GDFALCe qui m'avait tapé dans l’œil, à l'époque, c'était la pochette. Parce que quand on y pense, back in the seventies, on n'avait pas vraiment beaucoup de points de repère pour découvrir de nouvelles choses en matière de musique. Donc j'avoue bien humblement que plus d'une fois, c'était la pochette qui me vendait le truc, avant même la musique. Et là, pour le coup, celle-là m'avait bien plu: le gimmick du marteau-piqueur, c’est très parlant. L’oreille sur le recto de la couverture, le coeur côté verso : une belle image symbolique et assez forte. Fallait oser tant il y a quelque chose d'un peu violent à associer ces trois éléments. Une pochette qui, du coup, aurait mieux convenu à un groupe de hard-rock. Or Fischer-Z, c'est tout sauf ça. Il fait partie de ces groupes qui ont éclos dans la mouvance de Police à la fin des années 70. La bande à Sting chamboule alors les hit-parades avec sa new-wave matinée de reggae blanc, c'est la naissance de plusieurs formations qui récupèrent du punk son énergie, mais sans renier pour autant une certaine musicalité.

 

 

 

 

 

 

 

fz1Fischer-Z, c'est essentiellement John Watts, chanteur au parcours plutôt atypique, puisqu'il se met à la musique après des études et quelques boulots en psychiatrie. Rien d'étonnant, donc, que les textes de ses chansons soient un petit peu plus subtils que la moyenne, avec toujours cette petite touche d'humour pince-sans-rire. Mais c'est surtout au niveau des compositions que Watts fait la différence: des chansons concises, à l'orchestration simple et dépouillée, et bourrées d'énergie. Ca, et une voix unique, qui travaille sur deux registres: à la fois extrêmement grave à certains moments (on croirait presque avoir affaire à un chanteur black) et haut perchée à d’autres, dans une tonalité qui ferait presque penser à celle de David Byrne, le chanteur des Talking Heads.

 

 

 

 

 

fz3Watts, c'est clairement la cheville ouvrière de Fischer-Z, son éminence grise, tout comme Sting pouvait l'être au sein de Police : c’est le chanteur qui fait tout et signe toutes les chansons. Du coup, le groupe est presque ramené au statut d’un backing band, au service de son chanteur. Ceci explique pourquoi le groupe se séparera à l'aube des années 80 pour laisser le champ libre à la carrière solo de son fondateur. Un revival aura lieu en 2004, mais sans le punch du line-up original.

Et pourtant, jamais l’omniprésence du chanteur ne se fait sentir. Mieux, après un premier album, Word Salad, plutôt anecdotique, Going Deaf for a Living s’avère être sacrément bon album, même s'il y a une ou deux chansons un petit peu plus faibles que d'habitude. Impossible, par exemple, de se sortir de la tête ce Room Service aux accents reggae, plus Police que Police. Ni cette superbe chanson d'amour, à la fois triste et douloureuse qu'est So Long, qui fût un hit en son temps. Il y a aussi Limbo, conclusion speedée aux paroles imprononçables, un titre qui cartonne bien en concert. Puis aussi Crazy Girl, Pick Up Slip Up… sans oublier la chanson-titre.

 


 

 

Toute la force de Fischer-Z, c’est le refus de la formule et le plaisir de jouer. On sent le groupe soudé, entièrement au service de chansons simples et bien fichues. Et ça donne un album définitivement sans prétention qui emballera sans mal tout fan de new wave qui se respecte. Même si le groupe fera bien mieux par la suite, mais ça on en reparlera plus tard.

fischerz-GDFAL back

 

L’album peut encore se trouver facilement sur le net à des prix raisonnables, ou bien en téléchargement mp3. Tout ça, c’est par là.

 

Bonus Vidéo
La  vidéo d’époque (1981) de So Long. Ça a pris un sacré coup de vieux et une grosse claque : il y a tous les tics insupportables des clips qui se faisaient en ce temps-là, mais au moins peut-on voir le groupe dans un playback plutôt réussi. C’est toujours ça de pris.

 

mercredi 16 juillet 2014

Genesis - Duke

genesis-duke-uasAh, Genesis ! Rien que d’en parler, ça rameute une foule de souvenirs, et pour cause ! Un groupe qui a tout de même réussi à se maintenir sur plusieurs décennies, tout en changeant radicalement son fusil d’épaule, ça en couvre une sacrée tranche. Et du même coup, il y en a un peu pour tous les gouts et pour tous les fans. Il y a la période baba-cool, celle des grandes épopées de rock progressif, menée par Peter Gabriel. Puis l’arrivée de Phil Collins, et l’orientation vers un son de plus en plus pop. Mais avec toujours en filigrane, ce talent du groupe pour les compositions travaillées et ambitieuses.

L’album qui nous intéresse, Duke, n’est pas un des plus célèbres du groupe. Il intervient dans la discographie de Genesis à une période où le groupe se cherche. Usés par les tournées, ils s’octroient un break plus long que prévu, l’occasion pour chacun des membres d’y aller de son petit album solo. Banks et Rutherford sortent respectivement A Curious Feeling et Smallcreep’s Day, des disques plutôt estimables mais tout de même très inspirés de Genesis. Seul Phil Collins se détache du lot en signant des compositions qui tranchent radicalement avec ce qu’il a pu faire avec le groupe. Il faut dire que le batteur traverse alors une crise familiale difficile. En plein divorce, il écrit des chansons très personnelles dont la plupart se retrouveront d’ailleurs sur son premier album solo, Face Value.

Toute la puissance de Duke est là : du début à la fin, c’est un album rempli de sentiments forts et de douleur. Fini les balades épiques ou doucereuses. Genesis attaque les années 80 avec un album intense et pourtant rempli d’humanité. On y parle de séparation et de solitude, sur fond d’instrumentaux virtuoses (Behind The Lines) ou de balades mélancoliques (Heathaze). Les trois compères s’y donnent à fond, que ce soit dans un Man of Our Times à la batterie déchaînée ou dans la longue suite instrumentale (Duke’s Travel/Duke’s End) qui clôture magistralement le disque et que le groupe aura le bon goût de reprendre lors de sa tournée d'adieu en 2007. Et puis il y a aussi le tube, Turn It On Again, une des meilleures chansons du groupe qui sera également l’un de leurs plus gros succès.

Avec Duke, le trio expérimentait la recette qu’il utilisera sur tous ses albums suivants : des chansons qui naissent de jam sessions improvisées dont ils récupèrent des petits bouts par-ci par-là. Une bonne moitié – la plus réussie – est signée Banks/Collins/Rutherford, mais les chansons « individuelles » font également mouche, telle cette touchante méditation sur la solitude qu’est Alone Tonight de Rutherford ou encore Please Don’t Ask de Collins, au texte très émouvant. C’est cette profonde sensibilité qui fait tout le prix d’un disque unique et attachant qui, s’il n’hésite pas à s’accorder quelques breaks virtuoses et vertigineux, sait tout de même rester à taille humaine.

 

Les Différentes Editions
vlcsnap-2014-07-18-16h06m14s140L’industrie discographique sait y faire pour que le fan de base repasse à la caisse. Les albums de Genesis ont donc été déclinés en innombrables versions remasterisées ou ultimate. Fort heureusement pour les petits veinards qui découvriront l’album après avoir lu cette chronique, une salve récente de rééditions a tout de même fait les choses bien en proposant le CD dans une version qu’on pourrait presque qualifier de définitive. Le son a été remixé en 5.1 de manière très efficace, et le disque propose des mixages Dolby Digital, DTS et SACD, qui permettent d’en redécouvrir toutes les nuances. Genesis se rapprochait alors d’un son plus brut, avec une batterie très en avant, dont le punch est ici parfaitement restitué.

 

 

 

 

Il y a également des interviews rétrospectives qui reviennent en détail sur la création de l’album. C’est passionnant, mais réservé aux anglophones de bon niveau (il faut pouvoir suivre le débit mitraillette de Tony Banks) car elles ne sont hélas pas sous-titrées en français. Carton rouge pour l’éditeur !

pc9

Également au menu, de longs extraits vidéos d’un live de 1980, enregistrés au Lyceum de Londres, qui est réputé pour être l’une des captations les plus réussies de la tournée Duke. Malheureusement, audio et vidéo sont un peu à la ramasse. L’image accuse son âge et le son manque de clarté. Néanmoins, c’est un témoignage très intéressant sur la performance scénique du groupe à l’époque, avec ses effets très élaborés. Enfin, pour finir, on y trouve également les clips de l’album et une reproduction du programme de la tournée. Il y a donc largement de quoi contenter le fan le plus exigeant.

pc8

Les Clips
Genesis première manière, au niveau des clips, c’était… disons, un peu naze. C’était bien avant que le groupe ne joue avec son image et mise sur des vidéos décalées. Du coup, les clips réalisés pour l’album sont plus ridicules qu’autre chose. Dans Duchess, on voit Collins, Banks et Rutherford déambuler en imper façon pervers pépère dans un vieux théâtre, et pour Misunderstanding, c’est Collins en chemise hawaïenne, qui court d’une cabine téléphonique à l’autre. Seul le clip de Turn It On Again, un playback correctement filmé et plutôt bien éclairé, sort réellement du lot. Mais bon, avec un morceau pareil, la vidéo la plus nulle aurait pris des allures de chef d’œuvre !

pv10

jeudi 14 novembre 2013

Peter Gabriel 4

Au Strapontin, on a toujours été client de Peter Gabriel. Enfin, du moins le Peter Gabriel première période, celui de l’expérimentation sonore, un des premiers bidouilleurs de l’histoire de la pop. Déjà, pour abandonner son groupe en pleine gloire, il fallait en avoir. Puis pour imposer son style avec autant de brio, petit à petit, avec des albums inhabituels (tous titrés simplement « Peter Gabriel », juste histoire de faire un petit peu plus dans l’originalité!).
 
Ma rencontre avec Gabriel date du lycée, à une époque où mes camarades – merci à eux ! – ont considérablement élargi mon horizon musical en me faisant découvrir des bonnes choses dont, entre autres, Genesis. De là date une véritable passion pour ce groupe, que j’ai inlassablement suivi depuis, au gré de ses fortunes diverses et variées. On en reparlera sur le Strapontin. Et donc qui dit Genesis dit forcément, quelque part, Gabriel. J’avais été fortement impressionné par son 3ème album, et je me souviens encore de l’attente fébrile pour le 4, de notre première écoute à la fois surprise et enthousiasmée. Souvenirs, souvenirs! Ca nous rajeunit pas, tout ça!
 
 
 
Il faut dire que Peter Gabriel 4 ou plutôt Security, comme il a été baptisé outre-Atlantique est un album audacieux et culotté. Gabriel y fait ses premiers pas vers la world music, mais réinvente aussi le son. Tout l’album est bourré de trouvailles sonores incongrues, grâce à l’utilisation du Fairlight, qui permettait de synthétiser et de déformer des bruitages. Je me souviens encore d’un doc où on le voyait en train de fracasser des postes de télé pour se créer une bibliothèque d’effets sonores. Résultat, PG4 est un album étourdissant, d’une richesse sonore incroyable, et dans lequel les épopées planantes voisinent avec la pop la plus élaborée.
 
Début des hostilités avec The Rhythm of the Heat, un morceau très atmosphérique, qui relate l'expérience d'un voyageur qui est littéralement possédé par le rythme pendant un cérémonial tribal autour d'un feu. Ca commence par des percussions en boucle, auxquelles viennent s'ajouter des accords sourds et profonds (assez curieusement, ce motif sera repris par le compositeur Jerry Goldsmith dans la partition du film Criminal Law). Puis la batterie entre en scène sur un rythme très appuyé, et petit à petit la tension monte jusqu'à ce que Gabriel hurle un "The rhythm has my soul" déchirant, suivi par un déchaînement de percussion et de batterie.
 
 
 

 
 
Une entrée en matière énorme, que prolonge le morceau suivant San Jacinto, qui nous transporte pendant un rituel indien, avec des orchestrations planantes. On se croit parti pour un trip initiatique, mais Gabriel nous ramène bien vite sur Terre avec I Have The Touch, une chanson sur l'incommunicabilité. Un morceau aux tonalités plus modernes, soutenu par une rythmique implacable et des synthés décalés, mais qui sait pourtant devenir émouvant vers la fin, avec ce "I need contact" qui conclut la chanson.
 
L'autre grand moment du disque, c'est Shock the Monkey, le seul et unique tube qui sera extrait de l'album. A fond dans son trip moderniste, Gabriel signe une chanson maligne, bâtie sur un motif de cinq notes particulièrement entêtant. Il ne faut pas vraiment chercher à décrypter les paroles (le chanteur indiquera qu'il s'agit d'une chanson sur la jalousie), qui ne sont le plus souvent que prétextes à des jeux sur les mots.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Le clip, par contre, est une formidable réussite. Réalisé par Brian Grant, il développe une atmosphère angoissante et oppressante et regorge d’idées visuelles toutes plus folles les unes que les autres. En 1982, le chanteur avait déjà compris que la vidéo musicale n’était pas qu’un outil de marketing, mais également un moyen d’expression à part entière.
 
Les autres morceaux peuvent paraître plus sages et moins aventureux (en particulier Kiss of Life, une conclusion mi-figue mi-raisin). On retiendra essentiellement Lay Your Hands on Me, à la batterie cinglante (en concert, le chanteur choisissait cette chanson pour faire du crowd surfing en se jetant dans la foule) et le joli mais anecdotique Wallflower, qui annonce ses chansons plus engagées.
 
 
 
 
 



 
 

 
Security nous montre un Peter Gabriel au mieux de sa forme. Il prolonge les expérimentations du troisième album, leur ajoute un soupçon d’exotisme qui deviendra, comme le montrera la suite de sa carrière, une des sources d’inspiration essentielles du chanteur. Un album foisonnant et unique, parfois difficile d’accès, mais constamment inventif.

 


 
En bonus, la vidéo de Shock the Monkey (merci YouTube!), mais également un lien vers des photos prises pendant les sessions d'enregistrement par Larry Fast, qui jouait des claviers sur l'album.




jeudi 26 septembre 2013

Bruce Springsteen - Born to Run


































 
 
 
 


Sur le Strapontin, on va beaucoup reparler de Bruce Springsteen et de son E Street Band dans les mois qui viennent : nouvel album, nouvelle tournée (on y sera !), ce sera l’occasion pour renouer avec l’un des artistes les plus talentueux et les plus généreux du monde du rock. L’occasion est donc tentante, pour ouvrir les hostilités, de revenir sur Born to Run, sans aucun doute le chef d’œuvre absolu du bonhomme, et accessoirement l’un des plus beaux albums du monde, point barre.
 
 
 
« J’ai vu le futur du rock, et il s’appelle Bruce Springsteen » : rien que ça ! Le journaliste Jon Landau (depuis devenu le producteur du musicien) ne croyait pas si bien dire. A l’écoute de Born to Run, on le comprend un peu, tant l’album forme un tout parfait et inattaquable, qui contient tout ce que le Boss développera dans ses futurs albums : l’amour, la fuite vers une vie meilleure, le quotidien des paumés d’une certaine Amérique. L’album est presque organisé comme un film, même s’il ne s’agît pas vraiment d’un concept album. Le premier morceau, Thunder Road est un véritable manifeste, un peu comme une lettre d’amour que le personnage principal écrit à sa belle, l’incitant à s’évader de cette « ville pleine de losers ». Musicalement, c’est très fort aussi : commencée avec un simple harmonica, la chanson s’étoffe peu à peu avec l’arrivée du piano de l’excellent Roy Bittan, puis de tout le E Street Band, qui reprend l’instrumental de fin comme à la parade. Un grand, un énorme morceau. Tenth Avenue Freeze Out est, par opposition, plus léger et enjoué, alors qu’avec Night, on repart dans la noirceur et l’obscurité.
 
 


La première partie de l’album se clôt sur Backstreets, une épopée où il est question de souvenirs d’enfance. Puis c’est Born to Run, qui est sans nul doute l’une des chansons les plus puissantes et les plus évocatrices de Springsteen. Bâtie sur un riff de guitare meurtrier, c’est là encore une chanson sur la fuite, dont les héros se jurent un amour éternel, sont prêts à s’évader de leur quotidien et sont « nés pour courir ». C’est aussi un des rares morceaux du Boss dans lequel on retrouve intact le punch incroyable de ses prestations scéniques, et c’est bien évidemment l’un des sommets de ses concerts. L’amour, il en est question dans She’s The One, là aussi un des moments forts du disque, plein d’une formidable énergie. Meeting Across the River est peut-être le seul morceau un peu faible, mais en même temps, c’est comme une respiration dans l’album, avant cette pièce maîtresse qu’est Jungleland. Véritable petite épopée qui clôt le disque, ce Jungleland raconte une nuit d’affrontement entre des gangs rivaux. Etalée sur près de 8 minutes, c’est une formidable démonstration d’efficacité du E Street Band, qui brille de toute sa splendeur. Le saxophoniste Clarence Clemons, en particulier, y signe l’un de ses plus beaux morceaux de bravoure.
 
 
 
A aucun moment Born to Run ne sonne comme un disque fabriqué et c’est là sa grande force. Tout le disque respire de cette authenticité profonde qui marquera tous les albums du Boss. Il faudra, c’est sûr, une bonne connaissance de l’anglais pour saisir toute la richesse et la poésie de ce portrait que Springsteen livre de la petite Amérique, celle des laissés pour compte, à travers des paroles d'une richesse formidable. L’album n’est pas non plus une démonstration de virtuosité gratuite. Au contraire, il marque car chaque ingrédient y est parfaitement mis en place, qui plus est avec un brio et une pêche extraordinaire, par des musiciens qui, tout en étant de remarquables pointures, ne sont pas là pour la frime. C’est l’énergie brute de Born to Run, ajoutée à son authenticité, qui en fait un disque unique et inoubliable.




 

 

30 ans déjà !
En général, quand les maisons de disque souhaitent l’anniversaire d’un album, c’est plus pour ramasser quelques pépètes de plus et obliger le fan de base à repasser à la caisse. Mais Springsteen ne fait rien comme tout le monde, c’est bien connu, et la 30th Anniversary Edition de Born to Run est sans doute le plus beau cadeau qu’il pouvait faire à ses fans. Sur le premier disque, on trouve l’album remasterisé, ce qui est déjà pas mal du tout, mais le meilleur se trouve sur les deux autres galettes : tout d’abord un DVD du concert londonien de 1975. D’accord, l’image est pas franchement top, l'accoutrement des musiciens plutôt approximatif (Van Zandt en mac et le Boss avec un bonnet de laine !) et il y a beaucoup de morceaux des 2 premiers albums que personnellement je trouve un peu faibles... Mais quelle présence ! Lorsque le groupe attaque des titres de Born to Run, inutile de dire que ça déboîte grave !
 
 
 
 

Enfin, last but not least, sur le dernier DVD, « Wings for Wheels », une rétrospective passionnante sur l’enregistrement de l’album, qui permet de voir à quel point Springsteen est un perfectionniste et combien chaque élément du disque a été travaillé dans ses moindres détails, pour le résultat fantastique que l'on connait. Il suffit de le voir buter sur les arrangements de la chanson-titre, ou bien toute la section consacrée à l’élaboration de Jungleland et en particulier de sa formidable partie de saxo pour mesurer combien le Boss et son E Street Band ont sué sang et eau sur cet album. Une bien belle édition, qui rend un magnifique hommage à un classique indéboulonnable.

New Order - Le Bataclan - 18 octobre 2011

 
 
Dans la vidéo d’un de leurs derniers tubes, 60 miles an Hour, New Order montre un de ses fans sous la forme d’un gros beauf vêtu d’une peau d’ours et chantant à tue-tête au volant de sa voiture. Mardi soir au Bataclan, les fans anglais n’étaient pas vêtus de peaux de bête, mais étaient tout aussi bourrins (bourrés?).
 
 
 
Petit mot d’explication : New Order n’existe plus depuis plusieurs années, le bassiste Peter Hook ayant jeté l’éponge avec pertes et fracas après un dernier album, Waiting for the Sirens’ Call, décrié par les fans mais que j’avais trouvé plutôt pas mal. Si le groupe remet le couvert des années après, c’est dans un but caritatif, afin de réunir des fonds pour leur ami, le vidéaste Michael Shamberg. Deux concerts exceptionnels, l’un en Belgique, l’autre en France, d’où la présence ici de (trop) nombreux fans anglais.
 
 
 
 
 
 
L’espace d’un instant, je me serais cru à un match de foot ! J’étais encerclé d’olibrius qui sifflaient cannette sur cannette (et pas du coca, je peux le dire) et qui beuglaient à l’attention des musiciens. Bref, s’il y en a qui croyaient encore que les fans de New Order n’étaient pas des blaireaux bedonnants défoncés à la bière, ce soir-là, il y avait largement de quoi les convaincre du contraire !
 
Avant ça, il y a eu l’attente interminable sous la pluie, qui m’a convaincu que le blouson à capuche que je portais pour l’occasion n’était définitivement pas imperméable. Puis, une fois rentré dans la salle au sec, un set de près de 2 h 30 assuré par DJ Tintin (on ne rit pas !). C’est marrant au début, mais ça finit par vous fusiller la tête au bout d’un certain temps.
 
 
 



 
 
 

 
 
 


21 h, New Order entre en scène : c’est Elegy, un instrumental tiré de l’album Low Life. Une belle entrée en matière, planante juste ce qu’il faut. Il y a un écran derrière la scène, sur lequel sont projetés des extraits de clips ou des montages vidéo. Nous sommes assez bien placés, contre les barrières, sur la droite de la scène, juste en face de Gillian Gilbert, qui joue du clavier.
 
Ah, Gillian ! Mes amis buveurs de bière étaient bien contents de la revoir ! Il faut dire qu’elle avait quitté le groupe en 2001 pour se consacrer à sa fille malade. Donc, forcément, ça y allait ! « We love you, Gillian ! », et elle, imperturbable derrière son synthé. Pas un sourire, rien ! Ca changeait pas beaucoup de la dernière fois que je les avais vus, en 1987, sauf qu’entretemps la punkette mimi des années 80 est devenue mère de famille. Forcément, ça faisait un peu bizarre.





 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
066
 
Passée l’intro délicate, le groupe attaque les choses sérieuses avec Crystal, un morceau bâti sur mesure pour la scène. Pourtant, de là où nous sommes, le son n’est pas vraiment top. Les instruments couvrent la voix du chanteur Bernard Sumner, mais le bassiste intérimaire, Tom Chapman, se débrouille plutôt pas mal, même s'il restera beaucoup trop en retrait pendant la majorité du concert. Puis c’est Regret, l’une de leurs meilleures chansons, mais là encore, le son est limite bouillie.
 
Le reste du set est correctement dosé, entre vieux classiques revisités (Love Vigilantes, Age of Consent, Ceremony) et morceaux plus connus. Quelques surprises bienvenues, comme ce 1963, rarement joué en concert. Enfin, le show s’envole réellement avec d’excellentes versions de True Faith et  Bizarre Love Triangle, qui est décidément l’une de leurs plus belles réussites et qui n’a jamais mieux sonné en live. Le groupe embraye sur un Perfect Kiss remarquable, puis achève le public avec Temptation. En fait, les morceaux dance passent beaucoup mieux l'épreuve de la scène que ceux purement rock. Question de balance son, sans doute.
 
 
 
 
 
 


Un petit rappel, avec un Blue Monday un peu foiré par Gillian (un ton trop bas, mais Bernard Sumner vient lui prêter main forte en fin de morceau), puis en guise de conclusion, l’hymne de Joy Division, Love Will Tear Us Apart. Les fans anglais (les autres aussi, d’ailleurs) sont déchainés, et le concert se termine en apothéose.
 
 
Love Will Tear Us Apart
 
 
Bilan : une heure et demie de concert, c’est un peu short, mais bon, New Order ne nous a jamais habitués aux marathons scéniques à la Springsteen. Le son non plus n’était pas à la hauteur, mais ça aussi, ça fait partie des défauts du groupe. On pouvait juste penser qu’en 20 ans, ils auraient un peu progressé sur ce plan, mais non. Malgré l’absence de Peter Hook, ce comeback avait tout de même de la gueule. Maintenant, à savoir si le groupe va continuer comme avant, c’est une autre histoire. Une chose est sure : c’était sans doute une des dernières occasions de pouvoir les revoir en live et ils n’ont pas bâclé leur sortie.

La Setlist:
Elegy
Crystal
Regret
Ceremony
Age of Consent
Love Vigilantes
Krafty
1963
Bizarre Love Triangle
True Faith
586
The Perfect Kiss
Temptation
Rappel:
Blue Monday
Love Will Tear Us Apart